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06-09-2021
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Enseignement supérieur: on m’accuse d’avoir triché aux examens, que faire ?

On m’accuse d’avoir triché aux examens. Que faire ?

En raison de la crise sanitaire du covid19, les examens ont souvent eu lieu à distance. L’absence de contrôle, la distance, le stress, le ras-le-bol, l’ajout de matière en dernière minute, la tentation, la facilité ou l’opportunisme. Ce sont autant de raisons qui ont parfois conduit certains étudiants à tricher à certains examens. Plus largement, frauder aux évaluations concerne également les examens organisés en présentiels.

Si certains tentent de l’excuser par la covid19, d’autres la condamne de la manière la plus ferme et soulignent son augmentation par rapport aux années académiques précédentes. Quel que soit le jugement de valeur qu’on peut poser, cet article se contente de rappeller le cadre légal et c’est d’autant plus important que les techniques pour lutter contre la triche ont été adaptées.

Quelles sont ces règles et les droits applicables ?

j'ai triché aux examens

On m’accuse d’avoir triché aux examens: qui doit apporter la preuve de la fraude ?

Tout d’abord, il faut établir les faits avec une certitude suffisante. On parle de « charge de la preuve« . Pour le dire autrement, il faut que la matérialité des faits soit suffisamment établie. Qu’est-ce qui est considéré comme suffisant ? C’est un peu du cas par cas et en fonction des circonstances.

Echanger oralement n’est pas nécessairement frauder

Récemment, il a été jugé qu’un simple échange verbal en toute fin d’examen, dont la longueur était contestée, « n’était pas constitutif d’une fraude et qu’il appartenait à l’autorité disciplinaire d’établir à suffisance les faits imputés » En l’espèce, un étudiant avait échangé avec un autre étudiant en toute fin d’examen. Il existait un brouhaha général et les mots échangés n’avaient pas été entendus par la surveillante. Par ailleurs, la surveillante avait laissé l’étudiant avec lequel l’échange avait eu lieu achever son examen. (C.E., 26 juillet 2019, n° 245.235).

Les éléments de preuve doivent être joints

Plus récemment encore, un étudiant a obtenu gain de cause parce que les éléments sur lesquels l’autorité disciplinaire se basait n’était pas joints. En droit, il s’agissait plutôt d’un problème de « motivation » mais simplifions pour faciliter la compréhension. Dans les faits, il était reproché à des étudiants d’avoir collaboré lors d’un examen organisé à distance.

Plus précisément, ces étudiants auraient, selon l’établissement, réalisé le test écrit ensemble et depuis le même endroit. La preuve de cette prétendue triche provenait du fait que l’ordre et le minutage des réponses des ordinateurs, qui avaient été enregistrés, correspondaient. D’ailleurs, même l’adresse IP indiquait qu’ils avaient été Or, l’ordre des question variait entre les deux questionnaires. Tout cela renvoit sans doute à l’utilisation de données personnelles, de leur collecte et de leur recoupement. Toutefois, cette question n’avait pas été abordée sour cet angle. Par contre, l’arrêt retient que « la similitude entre les réponses fournies »  et l’utilisation « d’autres données informatiques enregistrées (…) durant l’épreuve, sans autre précision » ne permettait considérer que la décision était « valable ».  (C.E., 31 juillet 2020, n°248.104)

Cette affaire a donné lieu à un deuxième arrêt, où les éléments de preuve furent cette fois-ci joints, sans que le juge n’y trouve rien à redire. (C.E., 12 août 2020, n° 248.137)

Respecter les droits de la défense ? Kezako ?

Ensuite, ton établissement ne peut décider d’une sanction disciplinaire qu’à l’issue d’une procédure durant laquelle il doit respecter plusieurs droits. Au plus la sanction est grave, au plus le respect de ces droits sera scrupuleusement vérifié en cas de contestation de la décision ou en cas de recours auprès de Conseil d’Etat ou des Cours et tribunaux.

Tu dois être entendu avant qu’une sanction ne soit prise

Si on t’accuse d’avoir triché aux examens, tu as le droit de t’exprimer. La sanction disciplinaire ne peut en effet être adoptée qu’une fois que tu auras été entendu. Attention, si tu ne te  présentes pas alors que ton établissement t’avait régulièrement convoqué et que tu n’y as pas réservé de suite, la sanction disciplinaire pourra être adoptée malgré ton absence.

Tu as le droit de consulter ton dossier disciplinaire

Cette audition ne peut avoir lieu que si tu as pu consulter ton dossier disciplinaire. Tu pourras également demander d’obtenir une copie. Le prix à payer est alors le prix coûtant, soit 0,10 € par page.

De quoi s’agit-il ? Le dossier disciplinaire contient l’ensemble des éléments à charge.  Il ne s’agit donc pas d’un dossier à proprement parler mais d’éléments. Plus précisément r les éléments sur lesquels il se base pour t’accuser d’avoir triché. Tous les éléments retenus pour établir la sanction disciplinaire doivent s’y trouver. Il peut s’agir de documents écrits (ou scannés) mais aussi d’informations quel que soit le support utilisé. Par exemple, un enregistrement vidéo si celui-ci est utilisée pour te sanctionner.

Quelles sont les conséquences ? Il est hors de question de surprendre l’étudiant avec de nouveaux éléments lors de l’audition. Il n’est également pas admis d’invoquer des éléments qui n’ont pas été soumis à la contradiction, c’est-à-dire sur lesquels tu es susceptible de faire des observations.

Doit-on m’envoyer le dossier ou doit-il être simplement disponible ? Le dossier disciplinaire ne doit pas t’être envoyé sauf si ton règlement (des études ou disciplinaire) l’impose. Dans ce cas, tu dois alors en faire toi-même la demande. En effet, les autorités disciplinaires doivent seulement le mettre à ta disposition.

De combien de temps disposes-tu pour préparer ta défense ? 

Tu dois disposer d’un temps suffisant pour préparer ta défense. Néanmoins, la durée dépend de circonstances telles que la complexité du dossier, du contexte ou des disponibilités éventuelles d’un avocat si tu souhaites qu’il t’accompagne (voir plus loin). En période d’examens, ce délai pourra par exemple être plus long parce que tu présentes tes examens. Si tu estimes ne pas avoir suffisamment de temps, demande un report de la date d’audition et fais-le suffisamment tôt. A cet égard, peu importe le délai que prévoit le règlement général des études.

Tu peux être assisté par la personne de ton choix

Tu as le droit de ne pas être entendu seul.

C’est d’ailleurs conseillé. Par qui ? Cela peut être un avocat ou une personne de ton choix. Le fait d’être assisté signifie que la personne puisse te représenter, c’est-à-dire parler en ton nom. Ce représentant n’est donc pas limité à un rôle secondaire.

Tu ne dois pas participer à la charge de la preuve ou t’auto-incriminer

Tu as le droit de ne pas s’auto-incriminer et, plus généralement, de ne pas t’exprimer pendant l’audition.

Et les autres droits ?

Si tu ne souhaites pas le faire oralement, tu as le droit d’exprimer tes observations par écrit. De même, tu peux  demander à ce que l’établissement reproduise tes déclarations selon les termes que tu utilises.

Par ailleurs, tu n’es pas obligé de signer le procès-verbal qui serait éventuellement établi. D’ailleurs, on conseille souvent à l’étudiant de ne pas le faire. Pourquoi ? Parce qu’il existe quasiment toujours une discordance entre ce qui est déclaré et ce qui est indiqué dans le procès-verbal car le processus de retranscription de l’information est nécessairement réducteur. Quitte à envoyer ses déclarations par écrit par la suite.

Enfin, afin de prouver que tu n’as pas triché lors des examens, tu as le droit de déposer toutes les pièces qui te semblent utiles et/ou de demander à ce que des personnes soient entendues, dans les limites du raisonnable.

Les sanctions disciplinaires doivent être prévues par le règlement des études

Peut-on décider d’annuler les évaluations hors session si le règlement général des études prévoit seulement d’annuler les examens présentés pendant la session ? Peut-on imposer à l’étudiant de se réorienter lors de l’année académique prochaine ? La règle est simple : seules les sanctions disciplinaires prévues par le règlement des études ou disciplinaire peuvent être prononcées. Si les sanctions prononcées ne le sont pas, un recours est alors possible. (voir plus loin)

Avoir triché aux examens peut-il mener à une exclusion définitive ?

Oui, dans les cas les plus graves, il est possible que tu sois exclu.

En cas d’exclusion, tu n’auras en principe plus le droit de t’inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur subventionné ou organisé par la Communauté française pour une durée de trois années académiques. Le délai de trois ans prend cours le premier jour de l’année académique durant laquelle la fraude est sanctionnée . Il s’agit donc plutôt de deux années académiques, en plus de l’année académique en cours.

En pratique, ces règles ne sont généralement pas applicables à l’enseignement de promotion sociale.

En pratique toujours, les établissements n’inscrivent pas toujours l’étudiant sur la liste officielle des étudiants fraudeurs de sorte que, en cas d’exclusion définitive, ils ont le droit de se réinscrire auprès d’un autre établissement subventionné ou organisé par la Communauté française.

Sanction disciplinaire ou sanction académique ?

De plus en plus souvent, les établissements créent des sanctions qui ne sont pas qualifiées de « sanction disciplinaire ». Ce sera par exemple le cas des sanctions dites « académiques », c’est-à-dire la note de 0/20. Ces sanctions s’additionnent alors de sorte qu’octroyer la note de 0/20 n’interdit pas d’adopter une deuxième sanction, disciplinaire elle.

Bien souvent, il s’agit d’apposer une étiquette différente afin d’éviter de devoir respecter l’ensemble des règles et droits énumérés ci-avant.

En pratique, la question de savoir s’il s’agit d’une question disciplinaire ou non renvoie au fait que la sanction porte atteinte à une situation pré-existante ou non. Cet article n’explore as davantage cette question car elle est controversée.

Il faut « motiver » la décision

C’est-à-dire qu’il faut indiquer les raisons de fait et de droit qui ont conduit à l’obtention de cette décision plutôt qu’une autre.

Pour le dire plus simplement, il s’agit de répondre aux arguments soulevés par l’étudiant.  Au plus l’étudiant aura soulevé d’éléments (pertinents), au plus l’établissement doit étendre ses motivations. Il ne doit toutefois pas répondre à tous les arguments, c’est-à-dire aux « motifs des motifs ».

L’objectif est triple. Cela permet à l’étudiant d’examiner si ses arguments ont été entendus et, par conséquent, s’il est opportun pour lui d’introduire un recours. Ensuite, cela force les établissements à se plier à un exercice pour éviter les décisions arbitraires. Enfin, la motivation permet de limiter le contrôle à ce qui a été invoqué dans la décision en cas de recours externe. C’est-à-dire un recours devant le Conseil d’Etat ou les Cours et tribunaux.

Contester la décision et recours externes

Recours interne

Bien souvent, les établissements d’enseignement supérieur prévoient un recours « interne », c’est-à-dire un recours qu’il faut introduire auprès d’autorités qui relèvent toujours de l’établissement d’enseignement supérieur.

Ce recours interne a généralement pour but de soulever des manquements à la procédure qui a mené à la sanction. C’est-à-dire à démontrer que l’établissement n’a pas respecté un ou plusieurs de tes droits qu’on a évoqué ci-dessus. Par exemple, si la décision prise se fonde sur des éléments qui ne figuraient pas dans le dossier disciplinaire ou si tu n’as pas été régulièrement convoqué.

Il faudra en principe introduire valablement le recours interne pour avoir le droit de former un recours externe. Autrement dit, si tu n’introduis pas de recours interne en suivant scrupuleusement la procédure, ton recours externe pourra être jugé irrecevable.

Recours externe

Le recours externe peut être formé auprès du Tribunal de première instance de l’arrondissement judiciaire où se trouve le siège social du pouvoir organisateur de l’établissement d’enseignement supérieur ou auprès du Conseil d’Etat.

Dans les deux cas, il faudra généralement privilégier le recours au référé, c’est-à-dire à une procédure accélérée et les délais de recours sont très brefs.

Dans le cas du Conseil d’Etat, le délai de recours en extrême urgence ne dépasse généralement pas les 10 jours calendrier. Il est un peu plus long s’il s’agit de saisir le juge en urgence « simple », que ce soit auprès du Conseil d’Etat ou auprès du Président du tribunal de première instance. En pratique, la procédure est complexe. Ainsi, représenter des examens supplémentaires en deuxième session suite à l’annulation des évaluations de première session n’est pas considéré comme présentant une gravité suffisante (C.E., 28 juillet 2021, n° 251.321). Prendre un conseil juridique est indispensable. Par ailleurs, le recours à un avocat s’avère nécessaire.

Enfin, pour l’enseignement de promotion sociale, le recours « externe » doit d’abord être formé auprès de Monsieur E. GILLIARD, Directeur général adjoint, Service général de l’Enseignement tout au long de la vie, Rue Adolphe Lavallée, 1 à 1080 Bruxelles.

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