Depuis quelques années déjà, l’enseignement supérieur s’est engagé sur la voie de l’inclusion. Cela te concerne si tu souffres d’un handicap. Par « handicap », on entend toute incapacité mentale, physique ou sensorielle. Dans ces cas, tu pourrais demander à ton Université, ta Haute École, ton École supérieure des Arts ou ton établissement de promotion sociale de prévoir des aménagements raisonnables. Néanmoins, ces aménagements ne doivent pas représenter une charge disproportionnée pour l’établissement. De même, tu dois réellement te trouver en situation d’incapacité.
Cet article examine qui peut faire cette demande, ce qui est « raisonnable », comment la faire valablement ou contester en cas de refus.
Qui est concerné ?
Tous les étudiants inscrits dans un établissements d’enseignement supérieur subventionné ou organisé par la Communauté française et qui présentent une incapacité physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle. Cette incapacité doit être durable et les empêcher de participer aux activités académiques de manière complète et au même titre que tous les autres étudiants.
En pratique, il s’agit souvent des cas de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/h). Il s’agira également de dyslexie, de dyscalculie, de dysorthographie ou de dyspraxie (visuo-spatiale). Plus évident encore, cela concerne les étudiants sourds ou malentendant. Cela sera également le cas en cas de trouble ou déficit mental léger ou ponctuel. Il s’agit là d’exemples et cette liste n’est pas limitative.
Faut-il un certificat médical ?
Oui, tu dois présente un document datant de moins d’un an qu’un spécialiste dans le domaine médical ou qu’une équipe pluridisciplinaire aura établi. Tu peux également fournir une décision d’un organisme public chargé de l’intégration des personnes en situation de handicap.
Que doit mettre en place l’établissement d’enseignement supérieur ?
Ton établissement doit d’abord communiquer et informer.
Il doit mentionner qu’il s’engage en faveur de l’enseignement inclusif pour les étudiants en situation de handicap. Il doit l’indiquer sur son site au plus tard au mois de mai de l’année académique précédente. De plus, l’établissement doit former ses membres à ces questions et notamment les personnes qui travaillent dans les services d’accueil et d’accompagnement qui assistent ces étudiants.
En plus d’informer, des employés de l’établissement doivent assurer un service d’accueil et d’accompagnement. Il s’agit d’interlocuteurs privilégiés pour ces étudiants. Ils les encadrent et traitent leur demande d’aménagement. Ils formaliseront ensuite cette demande dans un « PAI ». On parle de « plan d’accompagnement individualisé ». Il s’agit du programme qui précise les aménagements que l’établissement doit mettre en œuvre (voir plus loin).
Par ailleurs, l’établissement doit mettre à dispositions les formulaires de demandes d’aménagements et notamment au moment de l’inscription. Ces engagements doivent également figurer dans son règlement des études et dans son « projet pédagogique ». Ils lui seront donc « opposables ». Il devra également faciliter l’accès à ses infrastructures. Malheureusement, cette obligation n’est pas définie de manière plus précise.
Ne serait-ce pas à l’étudiant de s’adapter à l’établissement ? Est-ce que ces étudiants ont des passe-droits ? C’est injuste pour les autres étudiants. D’ailleurs, en pratique, vous n’aurez pas de tiers temps en plus ou d’aménagements pour travailler…
Ces affirmations sont incorrectes en droit.
Pour traiter des personnes de la même manière, il faut qu’elles se trouvent dans la même situation. Lorsqu’elles se trouvent dans des situations objectivement différentes, il faut leur appliquer un traitement différent, adapté et proportionné. Sinon, la personne est en fait traitée de manière inégalitaire et la Constitution est méconnue.
Voilà en termes simples le contenu des articles 10 et 11 de notre Constitution belge. Sur ces articles, repose une législation très abondante. Et notamment celle qui fait l’objet de cet article (voir fin d’article). C’est parce que tous les étudiants ne trouvent pas dans la même situation que les règles ne doivent pas être les mêmes pour tous.
Par ailleurs, la question de savoir si la pratique professionnelle serait moins permissive relève d’un autre domaine….qui lui aussi fait l’objet de règles transposables. D’ailleurs, il s’agirait plutôt de concurrence que de pratique. D’ailleurs, en matière d’enseignement supérieur comme en matière d’enseignement, un refus d’aménagement raisonnable est, selon la loi, un acte de discrimination. Par conséquent, des sanctions pénales et civiles peuvent notamment être adoptées indépendamment des recours examinés plus loin.
Quelques exemples ?
Une étudiante qui souffre d’une sclérose en plaques se trouve dans une situation médicale où une certaine fatigue et des difficultés de coordination ou de vision peuvent survenir inopinément, par exemple pendant les stages.
On ne pourrait pas non plus évaluer un étudiant dyslexique, dyscalculique ou dysorthographique de la même manière qu’un autre étudiant sur des épreuves de mathématique, par exemple. Même s’il s’agit là d’une épreuve dans la cadre d’une formation pour devenir enseignant. Pour un exemple dans la jurisprudence (C.E., 2 octobre 2018, n° 242.507 ; 25 octobre 2018, n° 242.794)
On ne peut pas évaluer une étudiant à qui une prothèse a été placée et qui souffre de difficultés motrices de la même manière dans le cadre d’épreuves de natation ou plus généralement sportives.
Quels sont les aménagements possibles ?
Ces aménagements peuvent tout aussi bien concerner l’accès à ton établissement que le déroulement des activités d’apprentissages et stages ou les évaluations. Néanmoins, la question toute entière des aménagements raisonnables repose sur ce qu’on peut demander et espérer obtenir. Or, la législation ne le précise pas.
En pratique, les établissement rajoutent souvent un tiers du temps alloué à l’examen aux autres étudiants pour l’évaluation. De même, il est courant de proposer un local isolé à l’étudiant, particulièrement lorsqu’il souffre d’un trouble de l’attention. Enfin, on propose régulièrement des mesures plus ponctuelles et non coûtantes : réserver une place au premier rang pour l’étudiant malentendant, permettre l’étudiant dyslexique de se faire lire la question par l’enseignant. Bien souvent, ces solutions génériques ne relèvent pas d’une analyse au cas par cas et adaptée au trouble.
Comment apprécier le caractère raisonnable d’une demande d’aménagement?
Pour apprécier le caractère raisonnable de la demande, il faut tenir compte de son coût, de son impact sur son organisation et les autres élèves et des impératifs de sécurité. De même, il faut mesurer le besoin précis de l’élève et la mesure dans laquelle cela permettrait à l’étudiant de participer aux mêmes activités que les autres. Néanmoins, en l’absence de définition ou de pondération précise de ces critères, il reste difficile de définir la limite. Particulièrement, lorsque la liberté académique est en jeu.
Par ailleurs, un étudiant en situation de handicap a le droit de demander un allègement en début d’année académique. L’établissement ne peut pas s’y opposer. Il paiera des droits d’inscriptions proportionnels au nombre de crédits. En cours d’année académique, il peut réévaluer ce programme et le modifier d’un commun accord ou, en cas de désaccord, moyennant un recours. Enfin, si l’étudiant n’a pas introduit de demande en début d’année académique, il pourra toujours le faire plus tard mais en raison de « circonstances médicales graves ». Par contre c’est l’établissement d’enseignement supérieur qui appréciera la gravité des circonstances.
Comment introduire la demande ?
Conformément à la procédure prévue par le règlement général des études et en fournissant, pour rappel, au moins :
– un document médical de moins d’un an établi par un spécialiste dans le domaine médical ou une équipe pluridisciplinaire ;
– une décision d’un organisme public chargé de l’intégration des personnes en situation de handicap.
Le Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAI) éventuellement adopté est valable pour un an et doit être renouvelé chaque année académique. Il doit être accepté par l’étudiant et il peut être modifié pendant l’année académique en cas de circonstances exceptionnelles. D’ailleurs, il doit être évalué de manière continue.
Qui prend la décision ?
L’établissement d’enseignement supérieur décide si le « PAI » (Plan d’Accompagnement Individualisé) est accepté ou non dans les deux mois de sa demande.
Puis-je introduire un recours ?
Oui et même plusieurs.
Recours interne
Tout d’abord, un recours est généralement organisé auprès de l’établissement d’enseignement supérieur. Il faut se référer au règlement général des études et faire attention à bien respecter la manière d’introduire le recours. Par exemple, les délais, les informations ou pièces qui doivent y figurer, le destinataire et la manière de lui faire parvenir le recours.
Recours externe
Ensuite à condition que ce premier recours ait été valablement introduit, un recours est prévu auprès de la Commission de l’Enseignement Supérieur inclusif (CESI). Ce deuxième recours devra être réalisé dans les 5 jours ouvrables à compter du lendemain de la date de notification de la décision prise dans la cadre du recours précédent. Ce recours sera possible dans quatre cas :
– lorsque l’établissement refuse la demande de reconnaissance d’un handicap ;
– en cas de refus de la mise en place ou de la modification des aménagements raisonnables ;
– lorsque l’établissement met fin avant la fin de l’année et de manière unilatérale du plan d’accompagnement individualisé.
La manière d’introduire ces recours est précisée ici.
Ce recours peut être introduit par courrier électronique à l’adresse recours@ares-cesi.be ou par courrier recommandé, à l’adresse suivante :
ARES
Secrétariat de la CESI
Rue Royale, 180 (5e étage)
1000 Bruxelles
Bon à savoir: un tel recours est bien souvent inefficace
Toutefois, il faut savoir qu’introduire un recours auprès de la CESI est bien souvent inefficace. En effet, la CESI se borne à examiner si tous les arguments ont été pris en compte. C’est tout. En d‘autres termes, elle est incompétente pour considérer que l’aménagement serait (in)suffisant ou (in)adapté.
Par conséquent, une décision favorable de la CESI ne conduira pas nécessairement à ce que la décision prise par l’établissement soit invalidée. Dès lors, cet établissement pourra à nouveau adopter une décision négative mais en la « motivant » autrement, c’est-à-dire en rédigeant le contenu de manière plus appropriée et en montrant qu’il a bien examiné tout le dossier. Soulignons toutefois que saisir valablement la CESI est bien souvent un préalable indispensable à la saisine d’un juge, sauf en cas de recours à des procédures en référé ou en urgence.
Sources légales
– Articles 10 et 11 de la Constitution belge
– Décret de la Communauté française du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination ;
– Décret de la Communauté française du 30 janvier 2014 relatif à l’enseignement supérieur inclusif pour les étudiants en situation de handicap ;
– Arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 3 juillet 2019 fixant les modalités d’introduction et d’examen des recours visés au chapitre VII du décret du 30 janvier 2014 relatif à l’enseignement supérieur inclusif pour les étudiants en situation de handicap
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