En Belgique, la Constitution dit que l’enseignement supérieur est libre. Dès lors, tout un chacun peut proposer des services d’enseignement ou de formation. À bien y regarder, savoir ce qui relève du public ou du privé est pourtant compliqué. En effet, quasiment tous les établissements sont organisés par le secteur privé mais la Communauté française en reconnait certains. Pour ne rien faciliter, les établissements d’enseignement supérieur reconnus peuvent aussi organiser des formations privées. Bref, c’est compliqué…mais en quoi est-ce important de les distinguer ?
Tout simplement parce que celles et ceux qui s’y inscrivent n’ont pas les mêmes droits. Dans les formations relevant de l’enseignement supérieur privé, les étudiants n’ont pas droit à une bourse d’études supérieures. De plus, ils n’ont pas non plus droit aux allocations familiales ou à travailler en tant que travailleur étudiant. Par ailleurs, les frais d’inscription sont souvent plus importants même s’ils peuvent être récupérés dans certains cas. Cet article explique comment. Autre difficulté, le diplôme délivré dans l’enseignement supérieur privé ou public n’a pas la même valeur. Or, cela a des conséquences sur le marché du travail ou pour accéder à des études de Master. Enfin, les formations relevant de l’enseignement supérieur privé ne sont pas prises en compte pour calculer ta finançabilité. Voilà le menu de cet article.
Comment distinguer formation d’enseignement supérieur privée et publique ?
Un texte légal pour reconnaitre les établissements publics
Une formation d’enseignement supérieur relève du public lorsque l’établissement qui l’organise est reconnu par un texte légal ou règlementaire. Principalement le décret dit “décret paysage“.[1] Toutefois, cette reconnaissance provient parfois d’un autre texte, plus particulier. Par exemple, la faculté de la théologie protestante de Bruxelles ou l’École Royale Militaire. Il n’en demeure pas moins que cette manière de procéder n’est pas pratique. Pour cette raison, la mise en place d’un cadastre des établissements reconnus et non-reconnus a été annoncée le 26 juillet 2018. [2]
Un cadastre plus pratique
Ce cadastre a depuis lors été mis en place. Il liste les établissement d’enseignement supérieurs publics et ceux qui ne s’y trouvent pas relèvent du privé. Toutefois, ce cadastre n’est pas toujours complet. D’une part, il ne concerne que les établissements reconnus par la Communauté française. D’autre part, ces établissements publics peuvent aussi organiser des formations privées.
Protéger les dénominations
À côté de ce cadastre, il existe d’autres règles pour identifier le fait que l’établissement relève de l’enseignement privé ou public. Ainsi, les pouvoirs publics réservent l’utilisation de certaines dénominations aux établissements publics. C’est le cas des termes « Université », « Haute École », « École supérieure des Arts », « Établissement d’enseignement supérieur » ou « Faculté ».[2] De plus, la loi encadre l’accès aux titres de bachelier, master ou doctorat. [3] Dès lors, les formations privées par les établissements publics utiliseront des termes particuliers. On parlera par exemple d'”Executive Masters“, de “Bachelors“, de “certificats (inter-)universitaires” ou de “formations certifiantes”.
Renseigner l’étudiant au moment de l’inscription
Par ailleurs, la mention « Établissement et diplômes non reconnus par la Communauté française de Belgique » doit être indiquée en caractère gras au recto de tout support écrit. Si ces règles ne sont pas respectées, des sanctions sont prévues (voir plus loin, rubrique “Quels sont mes droits ?”).
Existe-t-il une liste d’établissements d’enseignement supérieur privés ?
En Communauté française de Belgique, il existe une trentaine d’établissements d’enseignement supérieur privés. Ces formations relèvent du domaine artistique, économiques ou d’autres secteurs et en voici la liste:
Les formations artistiques
Située sur le site de “Tour & Taxis” de Bruxelles, l’École du Cirque de Bruxelles (ECBRU) forme en français aux arts du cirque. Dans la même ville, l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) est une école de cinéma, d’audiovisuel et d’ingénieur du son. Toujours à Bruxelles, le College of Arts & Design (CAD) forme dans quatre domaines. D’une part, en “Architecture d’Intérieur & Design”. D’autre part, en “Communication Design“. Enfin, en “Fashion & Textile Design” ainsi qu’en “3D Image Design“.
Par ailleurs, la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Waterloo accueille un public en français et en néerlandais. Elle les forme en alto, chant, musique de chambre, piano, violon ou violoncelle. De même, l’Institut de Rythmique Jacques Dalcroze organise des formations en “éducation musicale” et en “éducation corporelle”.
De même, le SAE Institute propose des “Bachelor” et des “certificats”. Parmi les “Bachelor” francophones ou anglophones, on retrouve une formation en “Audio production” ou en “Digital film production“. Parmi les certificat en français ou en anglais, on retrouve celui en “Electronic Music Production” ou en “Video production“. La différence entre les “Bachelor” et les certificats concerne la durée de la formation. Dans le premier cas, elle sera de 2 ans, voire de trois ans. Dans le deuxième cas, elle sera de 4 mois ou 8 mois.
Enfin, les “Cours Florent” sont également présents à Bruxelles et y organisent une formation d’une durée de trois ans en acteur-actrice accessible à partir de 17 ans.
Les formations économiques (comptabilité, marketing et communication)
Principales formations économiques
Tout d’abord, la Chambre belge des Comptables (CBC) organise une formation de “candidat stagiaire comptable” d’une durée de trois ans. Toutefois, ce diplôme ne permet pas d’exercer en tant que comptable mais uniquement d’obtenir un diplôme de chef d’entreprise ainsi qu’un certificat de gestion. Pour obtenir un bachelier en comptabilité (option fiscalité) et devenir comptable, il faudra prolonger sa formation d’un an dans le cadre d’une passerelle co-organisée par l’EPFC et l’EFP. Ensuite, l’European Communication School (ECS) organise à Bruxelles et partiellement en anglais une formation de cinq ans en communication. En fonction du parcours académique antérieur, l’accès peut se faire au-delà de la première année.
Par ailleurs, l’Institut de Formation de Cadres pour le Développement (IFCAD) dispense, à Bruxelles et à côté de formations de promotion sociale, trois formations privées. D’une part, il s’agit d’un bachelier spécial en entreprises d’une durée de deux ans. D’autre part, il s’agit de deux maitrises différentes d’une durée d’un an chacune : tantôt en administration publique, tantôt en projets. De plus, l’Institut Charler Péguy de Louvain-la-neuve a mis en place trois formations majoritairement francophones. Il s’agit de “Tourisme & Voyage”, de “Gestion hôtelière” et de “Création d’évènement”.
De même, l’International Management Institute (TIMI), également situé dans la capitale de l’Europe, formations en anglais en “Entrepeneurship”, “Global Management”, “Digital Marketing”, “Robotics”, “Data Science” et “Artificial Intelligence”. Enfin, l’United Business Institutes de Bruxelles est une école de commerce en anglais qui a mis sur pied un bachelor in “Business Studies” ainsi qu’un “Master in Business Management” (MBA).
Autres formations économiques
Les formations relevant de l’enseignement supérieur privé sont nombreuses. On mentionnera l’existence de l’Alfred Ford School of Management. Par ailleurs, la Brussels School of Competition (BSC) forme en “Competition law” et en “Artificial Intelligence. En français, l’École supérieure de commerce et de marketing (ISTEC-ECT) dispense également des formations. De plus, l’European Institute of Diplomacy and International Relations Vasco da Gama enseigne la diplomatie et les relations internationales. De même, la Graduate School of International Management (CASS) organise des formations en management. Enfin, l’International Business School for Hotel and Tourism Management (VATEL Brussels) et la United International Business Schools (UIBS), une école de commerce, complètent cette liste.
Les autres formations: thérapeutique, histoire de l’art, informatique,…
Dans le domaine thérapeutique, l’Institut belge de Gestalt-Thérapie de Bruxelles organise une formation en deux cycles d’une durée de deux ans chacun. Elle vise à acquérir une approche thérapeutique, un ensemble des concepts et de pratiques liées à la Gestalt-thérapie. Par ailleurs, dans le domaine des sciences sociales, l’Institut royal d’Histoire de l’Art et d’Archéologie, est également situé à Bruxelles. Il dispense, en français et en 4 ans, 19 modules et 1 travail de fin d’études. Enfin, l’École supérieure des technologies de l’information (Ecole-IT) délivre un diplôme d’expert en système informatique. Ce diplôme est reconnu en France comme équivalent à un diplôme de Master. À cette liste, il faut encore rajouter :
- EPITECH (Bruxelles) : dispense une formation de cinq ans en informatique;
- le European College for Liberal Studies (ECLS) : organise en anglais une large variété de Bachelor, Master in Arts, PhD et de certificats in Liberal Studies;
- l’International School of Protocol and Diplomacy (ISPD) : organise des Executive Masters;
- l’International Football Business Institute (IFBI) : organise une formation d’un an conduisant à un certificat en International Football Business.
Les établissements privés qui ont fait faillite ou qui ont suspendu leurs activités
Les établissements qui ont fait faillite: SupInfo, l’EEPP et l’ESCG
SupInfo est une école d’informatique située à Bruxelles. Toutefois, la société la gérant et propriétaire de la marque, la SPRL EducInvest, a été déclarée en faillite le 9 juin 2020. La société de droit français IONIS Group a repris les activités de SupInfo ce 6 août 2020. La question de la reconnaissance du parcours académique ou du remboursement des droits ou frais d’inscription n’est pas tranchée. Les anciens étudiants de Supinfo doivent s’adresser en priorité à IONIS Education Group pour une éventuelle reconnaissance de leur parcours académique.
Le 9 octobre 2018 et le 17 décembre de la même année, deux autres établissements d’enseignement supérieur privé faisaient également faillite. Le premier était l’école supérieure de communication et de gestion (ESCG). Il organisait des formations en communication, et dans des filières économiques. Le deuxième était l’école européenne de podologie pluridisciplinaire (EEPP).
Les établissements qui ont suspendu leurs activités
Pour le moment, le Brussels Business Institute (BBI) et la JM Corporate University (JMCU) n’exercent plus leurs activités.
Quels sont mes droits ?
Ais-je le droit de demander un remboursement de mes frais d’inscription ?
Oui, si tu as été mal informé et que l’établissement dispense des formations de niveau supérieur. De plus, si la formation est organisée sur le territoire de la région bruxelloise, elle devra l’être principalement en français. Dans ces conditions, si la mention « Établissement et diplômes non reconnus par la Communauté française de Belgique » n’est pas reprise comme indiqué plus haut, tu auras le droit de demander le remboursement de l’intégralité des montants versés.
Dans ce cas, il faudra faire la demande dans les 30 jours de la demande d’inscription finale. De plus, il faudra faire explicitement mention de l’article 14/4 du décret de la Communauté française du 7 novembre 2013, le décret dit « paysage », la signer et l’envoyer par courrier recommandé.
Par ailleurs, l’établissement qui utilise des dénominations protégées sans avoir été reconnu par la Communauté française peut être sanctionné. Il s’agit plus précisément d’une amende administrative comprise entre 500 € et 5.000 €.
Puis-je bénéficier d’une bourse de la Communauté française ?
Non.
Pour bénéficier d’une allocation d’études, il faut être inscrit dans un établissement organisé, subventionné ou reconnu par l’État belge. Or, les établissements d’enseignement supérieur privés ne le sont pas. Tu n’auras donc pas le droit à une bourse d’étude.
Puis-je travailler comme jobiste ?
La loi concernant le travail étudiant ne définit pas de manière précise la qualité d’étudiant. En général, si tes études représentent ton activité principale, tu peux travailler en tant qu’étudiant en étant inscrit dans un établissement privé. Néanmoins, il n’existe pas d’informations claires sur le sujet et le contrôle des lois sociales fonctionne au cas par cas, sur base de demandes individuelles. Tu peux les contacter à cette adresse.
Quelle est la valeur de mon diplôme sur le marché du travail ?
Pour exercer certaines professions, tu dois avoir un diplôme reconnu par la Communauté française ou une autre Communauté de Belgique. Cela sera les cas de professions telles qu’architecte, avocat, dentiste, infirmier, kinésithérapeute, médecin, ostéopathe, pharmacien ou, parmi d’autres exemples, sage-femme. De plus, travailler dans la fonction publique requiert une reconnaissance de ton diplôme. Enfin, l’absence de diplôme universitaire peut parfois poser problème. En effet, le travailleur ne pourra parfois pas réclamer de salaire minimum et cela sera particulièrement le cas pour le barème 4.2 pour lequel il faut être universitaire.
Dans les autres cas, c’est ton employeur qui décidera librement la valeur qu’il souhaite reconnaître à ton diplôme.
Quelle est la valeur de mon diplôme si je veux m’inscrire à un master ?
Aucune.
C’est le jury de master qui décide librement s’il reconnait ce diplôme comme équivalent à un diplôme de bachelier permettant d’accéder au master en question. En pratique, ce diplôme est rarement reconnu. Au mieux, tu pourras prétendre à des dispenses.
Puis-je bénéficier d’un titre de séjour ?
Oui.
L’office des étrangers peut délivrer un permis de séjour étudiant pour suivre une formation dans l’enseignement supérieur non reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les dispositions qui s’appliquent sont les mêmes que pour l’enseignement officiel. Tu trouveras plus d’informations sur le site de l’office des étrangers.
Puis-je redevenir finançable ? Comment les années dans un établissement d’enseignement supérieur privé sont-elles prises en compte du point de vue de la finançabilité ?
Non.
D’ailleurs, les inscriptions dans les établissements d’enseignement supérieur privé ne sont pas prises en compte pour calculer la finançabilité. Cela signifique que chaque année académique sera comptabilisée à concurrence de 0 crédit sur 0. De plus, on ne considérera pas que l’étudiant ait été inscrit dans l’enseignement supérieur.
[3] Loi du 11 septembre 1933 sur la protection des titres d’enseignement supérieur.
L’équipe d’IJBXL espère que tu as trouvé les réponses à tes questions concernant une inscription en école privée.
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